La libération de la femme moderne passe-t-elle comme le disait Simone de Beauvoir, par le refus de la vie conjugale et de la maternité, considérées comme des chaînes d’oppression et d’aliénation ?
Je ne pense pas que la définition de la femme moderne soit synonyme d’un refus d’une vie conjugale associé à un refus de maternité. Bien au contraire la femme moderne d’ aujourd’hui est une femme qui a un rôle social dans notre société, qui travaille, qui est une épouse et une mère et qui tente de concilier tout ces rôles en même temps.
Pour cela, il faut tout d’abord que la femme soit l’égale de l’homme dans son foyer avec un partage égalitaire des tâches, qu’elle possède le même pouvoir de décision et de responsabilité au sein de son foyer.
Concernant la maternité, il faut qu’elle dispose librement de son corps et de son désir de maternité. Qu’elle dispose du droit de contraception en toute liberté de conscience, sans pression extérieure.
La femme moderne est une femme qui vit sa sexualité comme elle l’entend et qui décide avec son partenaire amoureux de la conception d’un enfant, au moment où chacun d’eux le souhaite.
L’image de la femme moderne par Simone de Beauvoir ou par cette génération de féministes du début du siècle n’est plus aujourd’hui d’actualité. La société a évolué, notre combat actuel n’est pas d’obtenir le droit de vote ou le droit à la contraception même s’il faut être vigilante afin de conserver les acquis obtenus.
Aujourd’hui les femmes ont d’autres combats à mener : concilier leur spiritualité, leurs rôles et leurs désirs de femmes, d’épouses, de mères et leurs vies professionnelles.
Transmettre à leurs enfants des valeurs morales, les éduquer, leur donner les bagages nécessaires pour les armer suffisamment pour faire face à la société moderne et à ses dangers.
Les nouveaux défis de la femme moderne sont d’Obtenir les mêmes salaires que les hommes, endiguer toutes les formes de violences psychologiques ou physiques. Se libérer du poids ancestral de la religion et de certaines traditions appartenant à un temps révolu. Arrêter de subir le regard accusateur et culpabilisant au sein de leurs familles ou de leurs institutions religieuses et communautaires.
Pour répondre à la deuxième question de ce débat : » la tradition juive offre t-elle une issue créatrice et salutaire aux tensions et aux conflits de la femme contemporaine, tiraillée entre la fidélité aux valeurs éthiques du foyer et le désir de rupture avec un ordre misogyne ? »
Je pense que le mot tradition n’est pas approprié, je parlerais plutôt de pratiques religieuses, la véritable question est de se demander si la religion juive est compatible avec la femme moderne ?
Tout dépend de l’interprétation des textes de la Halakha et à quelle communauté l’on appartient.
Puisque la tradition juive diffère entre les mouvements orthodoxes, ultra orthodoxes, loubavich, libéraux, massorti…
Couvrir ses cheveux ou certaines parties de son corps appartient à la liberté de conscience de la femme mais en ce qui me concerne, cela reste une soumission inconsciente liée à des siècles d’interprétations et de pratiques misogynes du Judaïsme.
Cacher sa beauté, sa séduction, ses atours signifie, pour moi, ne pas assumer ses attributs féminins.
Ces femmes sont malgré elles culpabilisées par le poids de la tradition et soumises au regard des autres.
A celle qui objecteraient que c’est vis à vis de D, je répondrais que « Respecter D peut se faire la tête découverte, les bras dénudés tel que D nous a conçu ».
La pureté familiale et la notion « d’impureté » ne peut être compatible avec la modernité. Les règles sont un signe de bonne santé et en aucun cas un signe d’impureté. La notion de pureté fait peser sur la femme « la responsabilité du foyer et la survie d’Israël ». Heureusement que le Mouvement juif libéral de France refuse aujourd’hui de qualifier la femme d’impure ces jour-là.
La Mehitsa, séparation de l’homme et de la femme dans la Synagogue consistoriale, ne correspond pas à cette idée de la modernité ni à un esprit d’égalité de l’homme et de la femme. Cela sépare dans un moment de réunion avec D, l’homme de la femme, le mari de son épouse, les enfants entre eux.
La non égalité devant le divorce religieux, alors que légalité dans le divorce civil est appliqué ne peut en aucun cas être un signe de modernité.
La tradition juive pourra être salutaire et créatrice lorsque les femmes auront obtenu l’égalité dans leur lieu de culte, lorsqu’elles auront la possibilité de devenir Rabbin si elles le souhaitent. Le Consistoire se plaint de ne pas disposer d’un nombre suffisant de rabbins pour les petites communautés, pourquoi ne pas ouvrir cette fonction aux femmes et ainsi pouvoir transmettre le Judaïsme dans les coins les plus reculés de France ?
Certains précédents égalitaires existent dans la tradition juive, le Judaïsme s’est écrit avec des femmes comme Esther, Judith, Abigaïl, Miriam. La résistance juive s’est écrit avec Hanna Senesh. L’histoire d’Israël, s’est écrit avec Goda Meir et s’écrit aujourd’hui avec Tsipi Livni, Colette Avital et toutes les femmes-soldats qui tombent sous les mêmes balles que les hommes. Alors je pense que le Judaïsme doit encore évoluer et doit accentuer sa révolution interne en s’ouvrant aux femmes. En leur laissant une place égalitaire dans les pratiques, dans l’étude et la transmission, dans les Institutions religieuses et communautaires. Lorsque je parle des Institutions, je ne réclame pas une place fictive, ni un rôle de figuration mais une véritable place avec des responsabilités égales.
Tant que le Judaïsme « officiel » français n’aura pas tendu vers cette égalité, les femmes juives ont un devoir d’insoumission afin de délivrer leur religion de ce carcan misogyne et patriarcal.
Paroles de femmes a été crée afin de créer un réseau solidaire avec des femmes d’autres religions ; Ensemble et luttant chacune dans nos religions respectives, pour l’égalité et l’abolition des lois misogynes, nous rendra plus fortes ; La cause des femmes est universelle et non communautaire.
Les violences ne sont pas juives, musulmanes, catholiques. Les coups ont la même puissance et réduisent les femmes à la même souffrance. La soumission dans les foyers, la contraception interdite aux femmes qui le désirent n’ont pas de religion et portent les mêmes stigmates de l’injustice.
La parole des femmes doit se libérer et sortir du noyau communautaire afin d’obliger les Instances religieuses à évoluer.
Il y a un proverbe oriental qui est probablement ancré dans les profondeurs de la psyché masculine : » lorsqu’une femme dort seule, le diable dort avec elle « .
Olivia Cattan